RETOUR

En décembre 1118, le pape Gelase II, de passage dans la région, ayant rendu visite aux Bénédictins de Saint-André de Villeneuve, déclare que le GRAND PARDON sera accordé à tous les pénitents qui se rendront à l’église Saint-Pierre de Thouzon le jour de l’invention de la Sainte-Croix (3 mai) les années où celui-ci tombe un vendredi.

En 1613, et depuis plusieurs siècles auparavant, les « Frères Prêcheurs » (Dominicains) de Buis-les-Baronnies avaient en leur possession une épine de la couronne du Christ. Quelques auteurs soutiennent que cette relique fut un présent du Dauphin Humbert II au couvent des Dominicains du Buis. D’autres prétendent qu’elle fut apportée chez nous de Terre Sainte, de Jérusalem même, par le Frère Jacques Guignardy, religieux dominicain(1).
Depuis de nombreuses années, les vendredis 3 mai, les Dominicains de Buis-les-Baronnies venaient en procession avec d’autres congrégations de la région suivis d’une foule de pèlerins jusqu’à Saint-Pierre de Thouzon pour y célébrer l’office. Cette année de 1613, le vendredi 3 mai, il se passa à Thouzon quelque chose d’impressionnant, de mystérieux, de rare… qui fut confirmé par de très nombreux témoins et qui dura environ une heure. Parmi les nombreuses dépositions inscrites au procès-verbal d’enquête, je choisis celle du Révérend Père Laurent Barnoin.
Qu’il me soit permis de la transcrire ici d’après l’original, en conservant le style et l’orthographe de l’époque.


« A dit par son serment, mettant la main à la poitrine et promettant de dire vérité, que, le premier jour du présent mois de May, il eut comandement de son Prieur d’accompagner en procession les sieurs Pénitents Blancs de la présente ville du Buys, qui allaient en dévotion à Saint-Pierre de Touson, dans le Comté de Vénise, où il y avait le pardon général concédé par notre sainct père le Pape, le troisième jour du présent mois de May, jour et feste de la Sainte Croix et lorsque la dicte feste se trouve un vendredy comme en la présente année ; et estant le dépposant accompagné de frère Anthoine Marin, aussy Prestre et Religieux du dit ordre de Saint-Dominique, il eut comandement de son dit Prieur de porter luy mesme le sainct Reliquère qu’ils ont dans le couvent d’une saincte Espine tirée de la couronne de Jésus-Christ, aportée au dit couvent du Sainct Lieu de Jérusalem par feu frère Jacques Guignardy jadits religieulx du dit ordre il y a longues années. Et estant tous Pénitents partis de présent lieu du Buys avec le déposant et autres Prestres dudit Buys et messieurs les Prestres del’église parochielle Nostre Dame dudit Buys et aultres, ils arrivèrent à Carpentras, où estant le déposant mesme alla reposer la dite saincte Espine dans la chapelle des des Pénitents Blancs dudict Carpentras. Et le lendemain vendredy matin, jour et feste de la Saincte Croix, tous les susdicts sont partis à la pointe du jour dudict Carpentras et arrivés environ à huict heures du matin à l’Eglise St Pierre de Touson qu’est environ une lieue distant du lieu de Lisle de Vénise, au dit Comté où estant arrivé et rouvé grande multitude tant de Pénitents des autres lieux de Provence que lieux circonvoisins et autres catholiques que y estoient pour la dévotion ; la dite Eglise de Saint Pierre estoit toute remplie de peuple, sy qu’ils furent contraincts de prendre ung autel qui estoit dressé près et autour de la dite Eglise pour y célébrer le sainct sacrifice de la Messe, sur lequel autel le déposant repousa luy mesme le dict Reliquère de la Saincte Espine. Et advant que de célébrer la dicte Messe le déposant ouyt en confession plusieurs desdicts Pénitents et aultres, et après célébra la saincte Messe au dict autel ; et pendant qu’il donnoit la saincte communion aux confessés et après la célébration de la dicte Messe il fust adverty par le sieur Paul Moreau, confrère des Saincts Pénitents et Procureur au siège de Buys, disant : Père Sous-Prieur, regardez la Saincte Espine laquelle s’est changée de couleur et devenue rouge. Et alors le déposant, estant encore vestu de ses habits sacerdotaux, il print en main le dict Sainct Reliquère et iceluy regardé de près et par plusieurs fois, il vit et cognust que la dicte Saincte Espine estait toute changée de couleur pour estre lors toute rouge comme sang ; et le déposant se mit à dire Jésus, Marie, jamais je ne l’avais vue ainsy rouge ; comme le déposant assure, vu qu’auparavant l’ayant vue par plusieurs fois, elle est de colleur grisâtre, et gris oscur comme elle est à présent et à son ordinaire ; mais lors de la dicte communion elle estoit devenue rouge comme sang. Et lors le bruit accrust alentour dudict miracle, où il vint affluance de peuple que tiroit iceluy miracle, lequel dura l’espace d’environ une heure, depuis le temps que le dict déposant s’estoit prins garde du dict changement de colleur. Et après peuà peu la dicte Saincte Espine reprint sa première colleur grisattre au vu de plusieurs assistants, la plus-part desquels supplient le sainct déposant de vouloir faire toucher livres, chappellets, Agnus Dei et bagues à la dicte Saincte Espine, ce que le déposant fist. Et après s’en retournèrent en la présente ville du Buys. Et ce que dessus ledict déposant dit estre véritable pour avoir bien vu et recognu ce que dessus, et après lecture de sa déposition dit contenir vérité et s’est soubsigné. »
« F. Barnoin, Sous-Prieur »
Les nombreux témoignages, tous concordants, de religieux et laïques, sont consultables aux Archives Municipales de Buis-les-Baronnies. Ils ont été rassemblés à la demande de l’évêque de Vaison de l’époque, Mgr Guillaume de Cheysselme, et ont été présentés au pape Paul V qui, en 1617, a reconnu en cet évènement un miracle. ✦

(1) - Extrait de « LA SAINTE EPINE de l’Ancien Couvent des Dominicains du BUIS » par Louis Chavanet